Troupeau de fous de Bassan dans un champ.

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Fous de Bassan observateurs des océans

7 avr. 2024

(Ci-Dessus) Crédit photo : Simon Jodoin

Dans l’est du Québec, on trouve des chercheurs, parmi les meilleurs au monde, qui étudient les écosystèmes marins. Ces experts ont uni leurs forces pour mieux comprendre les interactions complexes entre les espèces des régions côtières de l'Est du Québec et ainsi préserver ces précieux écosystèmes.

Grâce à la connectivité haute vitesse, ils peuvent transmettre, télécharger et analyser une vaste quantité de données, ce qui est essentiel pour leur travail. Ils sont aidés par des collaborateurs bien particuliers qui bénéficient eux aussi de ces recherches scientifiques : les fous de Bassan.

Ces majestueux oiseaux présents principalement le long des côtes sont des partenaires parfaits pour contribuer à  notre compréhension des écosystèmes marins. Certains d'entre eux sont équipés de dispositifs de collecte de données qui fournissent d’importantes informations scientifiques.

Sandra Gauthier, directrice du musée Exploramer à Sainte-Anne-des-Monts, une institution qui se spécialise dans l’étude et l’interprétation de la biodiversité marine du Saint-Laurent et de l’Atlantique Nord, en sait quelque chose. C’est grâce au travail de chercheurs de Rimouski et aux données acquises grâce à la connectivité que le fou de Bassan s’est taillé une place de choix au sein des expositions présentées au musée, notamment avec l’installation Fou de Bassan : Sentinelles du Saint-Laurent.

« Toute cette histoire-là a commencé avec des chercheurs de l’Université du Québec à Rimouski et du Cégep de Rimouski, Magella Guillemette et David Pelletier, raconte Sandra Gauthier. C’est eux qui nous ont transmis les données scientifiques, les images et les contenus. C’est à partir de ceci que l’on a monté une exposition qui permet aux gens de comprendre comment le fou de Bassan est devenu un assistant de recherche. Avec la technologie, des puces GPS et des caméras qu’on installe sur les oiseaux, on arrive à comprendre leurs déplacements. Aussi, avec les images, on peut voir, lorsque le fou de Bassan plonge dans l’eau, quel est le poisson qu’il vise à capturer. »

Une personne observant l'océan à côté d'un groupe de fous de Bassan sur le rivage.

Crédit photo : Simon Jodoin

Faciliter l’observation des océans

TELUS a investi 8 millions de dollars au Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie l’an dernier seulement afin de déployer ses réseaux de fibre optique et de bonifier la desserte de son réseau 5G. Ces investissements permettent non seulement de relier les Québécois entre eux, mais également aux fous de Bassan de se transformer en observateurs des océans et de contribuer aux avancées scientifiques.

David Pelletier, un enseignant-chercheur au Cégep de Rimouski, vient tout juste de terminer des études de doctorat qui portent précisément sur le fou de Bassan. Il a passé sa vie dans le Bas-Saint-Laurent, est passionné d’ornithologie et de biologie, mais il est aussi très féru de nouvelles technologies, surtout quand elles peuvent l’aider dans ses recherches.

« Les oiseaux marins, en général, sont de bons indicateurs de la qualité des écosystèmes. Depuis longtemps, les marins les utilisent pour localiser les zones de pêche. Tout ceci a été documenté sur des centaines d’années. Toutefois, ça fait peut-être une quinzaine d’années qu'on a l'idée de les utiliser comme échantillonneurs, puisqu’ils sont de bons assistants de terrain, et des témoins des changements au sein des populations de poissons. »

L’enseignant-chercheur ajoute que le fou de Bassan est un oiseau très accessible, visible de très près dans le Parc national de l’Île-Bonaventure-et-du-Rocher-Percé.

« Le fou de Bassan est l’un des oiseaux marins emblématiques de l’est du Québec.  Quand on visite la colonie, on peut s’approcher, les oiseaux ne s’enfuient pas. Ils ont une certaine tolérance à la présence humaine. On le considère comme un bon témoin des changements globaux qui ont cours dans le golfe du Saint-Laurent, parce que c’est une espèce qui est capable de se déplacer sur de grandes distances et qui est fortement tolérante aux manipulations. On peut les prendre sur le nid, faire des manipulations rapidement, prendre des mesures, installer des appareils et les relâcher. D’un point de vue scientifique, c’est plus facile de travailler avec cette espèce, étant donné que c’est un super prédateur qui va répondre à des changements dans la chaîne alimentaire. »

Certains poissons faisant partie du régime alimentaire des fous de Bassan sont également consommés par les humains. Les informations que nous rapportent les oiseaux peuvent donc aussi nous aider à mieux gérer nos ressources alimentaires, en sachant plus précisément quelles espèces se trouvent en abondance ou sont en déclin dans le fleuve et dans la mer. Sandra Gauthier, qui est une grande ambassadrice des produits marins du Saint-Laurent et des pêcheries durables, a voulu souligner ce lien important entre le garde-manger du fou de Bassan et notre table lorsque son équipe a conçu l’exposition sur ces incroyables sentinelles.

« Initialement, notre intérêt était purement muséal, il s’agissait de présenter à nos visiteurs une recherche scientifique menée par des chercheurs d’ici sur les écosystèmes du Saint-Laurent, ajoute-t-elle. Par contre, les données qui ont été recueillies nous ont permis de faire un parallèle avec un autre projet d’Exploramer qui est Fourchette bleue. C’est un programme qu’on a mis en place en 2009 afin de valoriser les espèces marines du Saint-Laurent qu’on connaît moins, qu’on exporte ou encore qu’on a sous-valorisées pour la consommation. »

Ce programme lancé en 2009 met en avant des espèces marines du Saint-Laurent moins connues, plus souvent exportées ou encore sous-valorisées pour la consommation. Grâce aux dispositifs de suivi et à la connectivité, on sait maintenant que  les fous de Bassan consomment de moins en moins de maquereau ou de hareng, mais qu'ils se tournent de plus en plus vers le calmar.

« C’est ainsi qu’on a découvert que le calmar était de retour dans le golfe du Saint-Laurent. Traditionnellement, le calmar n'était pas une option de consommation courante, mais il est maintenant très apprécié dans les restaurants branchés du Québec. Il est donc possible qu'à l'avenir, nous puissions déguster le calmar québécois à la maison! »

La recherche participative

La collaboration entre les chercheurs et Exploramer offre un regard inédit sur les fous de Bassan et les écosystèmes marins, mais l’exposition donne aussi l’occasion aux visiteurs du musée de prendre part aux recherches scientifiques. En identifiant les fous de Bassan sur des millions de photos, ils alimentent un moteur d’intelligence artificielle qui permettra aux biologistes de les repérer plus facilement et ainsi de dresser un bilan plus juste de leur population.

Par ailleurs, ils bouclent ainsi la boucle de la connectivité dont font partie les fous de Bassan, qui rapportent des données aux chercheurs, et ces derniers, qui les transmettent au musée. Favoriser la participation de la population aux efforts de la communauté scientifique est un puissant moyen de responsabiliser tout un chacun dans la lutte pour préserver la vie marine et les fous de Bassan qui en sont les observateurs.

« C’est important de partager les données, de vulgariser les résultats et les interprétations de la recherche qu’on fait et c’est surtout important de solliciter les gens, conclut David Pelletier. On parle beaucoup des changements climatiques, mais ce qui est primordial, c’est de rendre les gens actifs pour créer le changement. Peu importe le type de science, il faut les inviter à participer. »

Ce texte est une adaptation d’un contenu créé en partenariat avec Comment ça va chez vous?, une production des Coops de l’information.