(Dessus)Heidi Morrison souligne que son bénévolat au Sanguen Health Centre à Waterloo lui a appris à voir l’humain derrière sa fille avant la toxicomane. PHOTO DE NICK MENZIES PHOTOGRAPHY
Heidi Morrison se voit encore, il y a quatre ans, en train de transporter des trousses pour soulager les toxicomanes. Jamais elle n’aurait cru passer ainsi la journée d’anniversaire de l’une de ses trois filles dans les rues glaciales de Kitchener-Waterloo.
Pourtant, quand elle y repense, ce fut à ses yeux le meilleur cadeau qu’elle puisse offrir à sa famille. Après tout, c’est en participant bénévolement au programme d’assistance dans la rue effectué par le Sanguen Health Center
qu’elle a pris conscience de son manque de compassion à l’égard de son aînée, Brittany, prise dans l’étau des opioïdes depuis l’âge de 15 ans. Elle sait maintenant que sa fille est bien plus qu’une jeune femme toxicomane. Brittany est également débrouillarde et humble, elle a un grand cœur et un humour noir, et elle est extrêmement courageuse. Selon les spécialistes en toxicomanie travaillant dans sa communauté, son habileté à maintenir une tête froide en situation critique lui a permis de sauver la vie à une cinquantaine de personnes qui étaient victimes d’une surdose.
Pour Heidi, si sa famille est demeurée unie, c’est grâce à ce changement de mentalité.
« Sanguen et son modèle de réduction des méfaits ont été pour nous une source d’apprentissage. Je ne sais pas où en serait si notre famille n’avait pas le soutien de cet organisme, confie-t-elle. Aujourd’hui, nous sommes fiers de notre famille. Cela n’a pas toujours été le cas, mais ce l’est maintenant. »
La façon de faire de Sanguen, qui encourage les gens à voir l’être humain avant le toxicomane, continue de changer des vies dans la région de Waterloo. Et grâce au soutien du programme Santé pour l’avenir TELUS
, l’organisme élargira en 2020 sa gamme de services, des soins qui changent (et qui sauvent) des vies, pour aider encore plus de personnes vulnérables et les mettre en contact avec les services de santé dont elles ont besoin pour survivre et pour s’épanouir. À Edmonton, la nouvelle clinique mobile administrera des soins immédiats, comme le traitement des plaies, aux sans-abri. C’est également un guichet unique pour les clients qui ont besoin d’aide pour s’orienter dans le filet de sécurité sociale; une étape vitale pour briser le cycle de la pauvreté. Crédit photo : T Bolinski Photography.
Sanguen compte parmi les sept organismes au Canada qui mettront sur pied cette année une clinique mobile en partenariat avec TELUS. De telles cliniques, à la fine pointe de la technologie et conçues spécifiquement pour répondre à des besoins urgents en soins de santé chez les nombreuses personnes dont l’accès au système de santé canadien est limité pour cause de maladie mentale, de dépendance, de pauvreté et d’une foule d’autres facteurs, sillonnent déjà les rues de Montréal, Vancouver, Victoria, Calgary et Ottawa. À bord de ces cliniques, dont la raison d’être est de briser ce cercle vicieux et de veiller à ce que tous les Canadiens puissent recevoir de l’aide, on trouve des professionnels de la santé, dont des travailleurs sociaux, des infirmiers de rue, des professionnels en santé mentale et des médecins.
La demande pour ce genre de service est en hausse. En effet, on estime que 235 000 Canadiens vivent en situation d’itinérance chaque année, et la consommation d’opioïdes est devenue une véritable crise de santé publique.
« Ensemble pour réduire la stigmatisation »
Comme les besoins en services de proximité varient selon la collectivité, le partenariat Santé pour l’avenir TELUS prend des formes diverses. Cecilia Blasetti dirige le Boyle McCauley Health Centre
, un organisme d’Edmonton nouvellement doté d’une clinique mobile dont les intervenants collaborent avec des refuges établis pour créer des liens de confiance avec la clientèle. L’organisme, qui a pignon sur rue, a toujours offert un large éventail de soins de santé, et il est notamment doté d’un laboratoire médical et d’une clinique dentaire. La clinique mobile, par contre, permet de rejoindre les personnes intinérante qui ont quitté le centre-ville pour des zones périphériques, phénomène qui tient selon Mme Blasetti aux « répercussions de plus en plus lourdes et envahissantes de l’itinérance ». Grâce à la clinique mobile, un nombre accru de personnes vulnérables peuvent recevoir des soins médicaux immédiats, par exemple en cas de blessure. Le véhicule permet de répondre à une foule d’autres besoins, notamment grâce à des travailleurs sociaux et à d’autres professionnels de la santé très expérimentés que les personnes vivant dans la rue connaissent et en lesquels ils ont confiance. Ce réseau de professionnels constitue un véritable filet social. Cet élément nouveau est un ingrédient essentiel pour briser le cycle de la pauvreté.
« Quand on peine à garder la tête hors de l’eau, on ne pense pas à ce qu’on fera une fois rendu sur la rive, explique Mme Blasetti. Nous cheminons avec les gens que nous servons. Ils nous disent ce dont ils ont besoin, et nous les aidons à aller chercher l’aide nécessaire. Nous travaillons avec eux. »
À Kitchener-Waterloo, Pete McKechnie, coordonnateur du soutien social de Sanguen, partage la vision de Mme Blasetti quant à l’importance d’établir un lien de confiance stable lorsqu’on offre des soins continus à un groupe en situation précaire. Pour les gens de Sanguen, la priorité est de faire en sorte que toute personne avec laquelle ils entrent en contact se sente valorisée et aimée, qu’elle sente qu’elle a de l’importance, et qu’elle n’est pas un simple numéro, un diagnostic, un fardeau.
Quand l’organisme a créé son programme de travail de proximité en 2015, le but était de sauver des vies. Soutenu dès le départ par TELUS, ce programme prévoit des interventions trois soirs par semaine et enregistre plus de 400 consultations par semaine. Les activités de la nouvelle clinique mobile se situent dans le prolongement de ce programme, élargissant la gamme de services offerts, qui vont des soins prénataux au soutien en santé mentale en passant par les tests sanguins et le traitement des maladies infectieuses. Cette clinique est également dotée des technologies les plus avancées de TELUS Santé, donnant notamment accès aux dossiers médicaux électroniques et au réseau Wi-Fi, ce qui permet aux professionnels de la santé à bord de prodiguer des soins de qualité sur-le-champ.
En plus de répondre à un besoin criant chez les personnes qui vivent dans la rue, ces soins réduisent l’engorgement des salles d’urgence et les interventions des services policiers et des ambulanciers.
« Une personne en santé n’a pas besoin de se rendre à l’urgence. Tout le monde y gagne », fait observer M. McKechnie.
Aimer sans aucun regret
La famille Morrison a fait sienne la mission de l’organisme Sanguen, et chaque membre de la famille y joue un rôle propre. Heidi s’implique volontairement par tous les moyens possibles, tant dans la clinique mobile qu’au centre d’injection supervisée, qu’elle a récemment décoré avec l’aide de son mari, Ron. Simone, sa deuxième fille, a fait de sa passion pour l’humanitaire une carrière puisqu’elle gère la clinique mobile de Sanguen, tandis que Grace et Brittany apportent bénévolement leur aide à l’organisme à leur propre façon.
(De gauche à droite) Pete McKechnie, Heidi Morrison et Simone Morrison. Grâce à la nouvelle clinique mobile, propulsée par la technologie de TELUS Santé, les travailleurs sociaux se préparent à étendre leurs services dans la région de Waterloo et à offrir à plus de personnes vulnérables les soins de santé nécessaires à leur épanouissement. Crédit photo : Nick Menzies Photography.
Si, entre deux périodes de travail bénévole, Heidi voit la clinique mobile quelque part, elle ne manque jamais d’aller y faire un tour, surtout le jeudi, jour où Ron et elle aiment rendre visite aux personnes attroupées autour du véhicule. Pour eux, c’est bien plus qu’une clinique mobile ; c’est un centre communautaire. Été comme hiver, on peut y trouver de l’aide, de l’encouragement ou une bonne tasse de chocolat chaud.
Les politiques du gouvernement creusent davantage le fossé numérique au Canada et empêchent certaines régions de bénéficier d’une connexion Internet optimale.
Ce sont ces contacts interpersonnels qui ont permis à Heidi et aux membres de sa famille de comprendre que leur approche stricte à l’égard de Brittany, le fait d’attendre qu’elle « touche le fond », avait déstabilisé leur relation et explique pourquoi leurs rapports frôlaient constamment la violence.
Ils ont plutôt choisi la méthode de Sanguen, ce qui a entraîné de grands changements au sein de la famille : ils ont compris qu’ils pouvaient établir des limites saines tout en nourrissant leur relation avec Brittany.
Heidi reconnaît que l’approche de réduction des méfaits que sa famille a adoptée est peu orthodoxe et pourrait ne pas convenir à tous, mais cette façon de faire les a aidés à traverser la période la plus difficile de leur vie. Aujourd’hui, les Morrison sont fiers de Brittany et la reconnaissent pour la personne qu’elle est. Ils ne cherchent pas à la changer, et entre eux tout peut se dire.
Ils sont aussi tout à fait conscients que la toxicomanie de Brittany est une véritable roulette russe, et que chaque jour pourrait mal se terminer. Mais quoi qu’il arrive, ils n’auront pas de regrets.
« Auparavant, ma plus grande peur était que ma fille soit victime d’une surdose et meure sans se sentir aimée, confie Heidi. Grâce à Sanguen, cette crainte a disparu. »