Sécurité et vie privée / 27 janvier 2021

La protection de la vie privée en 2021 : Entrevue avec Pam Snively, chef des données et du Bureau des relations de confiance à TELUS

Nimmi Kanji

Nimmi Kanji

directrice générale, programmes à vocation sociale : TELUS Averti et TELUS pour l’avenir

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Le 28 janvier, c’est la Journée de la protection des données. Lancée officiellement en 2008 par la National Cyber Security Alliance, cette journée internationale vise à alimenter le dialogue sur la question et à donner aux personnes et aux entreprises les moyens de respecter la vie privée, de protéger les données et d’établir des liens de confiance.

En 2020, nous avons passé une grande partie de notre temps sur le web. C’est pourquoi la protection de la vie privée est devenue un enjeu encore plus préoccupant pour la population canadienne, en particulier pour Daniel Therrien, commissaire à la protection de la vie privée du Canada. Dans un article de la CBC portant sur son rapport annuel, monsieur Therrien nous met en garde contre la virtualisation accélérée de chaque aspect de notre vie. Les conséquences possibles sur la vie privée sont considérables.

La pandémie a certainement créé de nouveaux défis en matière de protection de la vie privée. Mais lesquels de ces défis seront les plus pressants en 2021? Pour répondre à cette question, nous nous sommes entretenus avec Pam Snively, chef des données et du Bureau des relations de confiance à TELUS, pour connaître son point de vue sur la vie privée en 2021 et sur les mesures que nous pouvons prendre pour la protéger.

Q : En ce qui concerne le reste de l’année 2021, quelles sont les tendances les plus lourdes en matière de protection de la vie privée?

PS : Comme nous le savons, un plus grand nombre de personnes naviguent sur Internet depuis le début de la pandémie. En octobre 2020, Statistique Canada a publié une enquête de groupe sur le web décrivant l’augmentation des activités sur Internet. Tout a augmenté : les achats faits en ligne, le temps passé sur les médias sociaux, l’utilisation des services de messagerie et la diffusion en continu. Parallèlement, 42 % des Canadiens ont déclaré avoir vécu au moins un type d’incident de sécurité depuis le début de la pandémie, notamment un hameçonnage, un maliciel, une fraude ou le piratage de comptes. L’augmentation de la cybercriminalité peut être attribuée directement à deux facteurs. D’abord, nous passons plus de temps sur le web au quotidien. Il existe donc plus de vecteurs d’attaque. Deuxièmement, beaucoup de personnes inexpérimentées naviguent maintenant sur Internet et elles n’ont pas de connaissances approfondies en matière de sécurité et de protection de la vie privée. Les mauvais joueurs trouvent constamment des moyens de tirer profit de la situation, soit en misant sur la distraction, soit en exploitant les peurs et les angoisses des gens liées à la pandémie. Selon le Centre antifraude du Canada, les Canadiens ont perdu 7 millions de dollars en raison d’une fraude liée à la COVID-19 depuis mars 2020.

Q : Quels sont les problèmes en matière de protection de la vie privée attribuables à la COVID-19?

PS : Nous constatons que les gens utilisent des outils qu’ils n’auraient peut-être pas choisis autrement. En temps normal, ils auraient pris le temps d’examiner certains outils (p. ex., commande d’épicerie, applications financières) pour en déterminer la fiabilité. Cependant, comme nous vivons toute notre vie en ligne, examiner minutieusement chaque outil prendrait trop de temps. Nous avons plutôt adapté nos normes en fonction d’un niveau de risque acceptable. Les gens n’ont pas le temps ni l’espace mental pour faire preuve d’autant de vigilance chaque minute. Beaucoup d’entre eux finissent par sacrifier leur vie privée pour la commodité d’un outil et l’accès à l’information.

L’application Zoom est le meilleur exemple d’outil ayant connu un grand essor. Zoom est tellement populaire que les gens se sentent obligés de l’utiliser de peur d’être oubliés s’ils ne le font pas. Selon un article paru dans Diginomica, Zoom est devenu la plateforme de choix pour de nombreuses entreprises et personnes. À la fin de décembre 2019, le nombre maximal de participants à des réunions quotidiennes sur Zoom (gratuites et payantes) était d’environ 10 millions. En mars 2020, ce nombre est passé à 200 millions. Toutefois, il est encourageant de constater que certaines personnes portent une attention particulière à la protection de leur vie privée et demandent mieux. WhatsApp a annoncé une mise à jour de sa politique de confidentialité indiquant que les données de ses utilisateurs seraient partagées de façon plus large avec Facebook. La réaction des gens a été brutale. À tel point que WhatsApp a reporté la mise à jour. De nouvelles plateformes de messagerie, comme Signal et Telegram, ont aussi connu un essor important à la suite de l’annonce initiale de WhatsApp.

Q : Qu’en est-il de notre façon de vivre en société et des outils qui ont été créés en tenant compte de la santé publique?

PS : On a constaté une transition sans doute justifiable vers des mesures de surveillance accrues dans la société au nom de la santé publique et de la protection des citoyens. La vie privée a été restreinte dans certaines circonstances, et les gens en sont conscients. Malheureusement, plusieurs personnes ont choisi de ne pas télécharger l’application Alerte COVID, car elles avaient certaines inquiétudes en matière de protection de leur vie privée concernant la fonction de traçage. Le gouvernement avait toutefois agi en connaissance de cause et fait preuve d’une grande vigilance afin que l’application respecte la vie privée de ses utilisateurs. Les Canadiens doivent comprendre que la majorité de ces applications et technologies proviennent de sources fiables et utilisent la dépersonnalisation des données. La dépersonnalisation est un processus qui permet de modifier les données de sorte que celles-ci ne peuvent plus être liées ou rattachées à une personne identifiable. Lorsqu’il est bien exécuté, ce processus protège efficacement les renseignements personnels.

Q : Quel rôle jouera la protection de la vie privée lorsqu’il sera temps de retourner au bureau?

PS : Les Canadiens sont préoccupés par la protection de leur vie privée dans certains domaines. Plus précisément, les applications internes de recherche de contacts, les questionnaires personnels, la prise de température et la collecte de renseignements personnels sur la santé viennent à l’esprit. Dans de nombreux cas, les entreprises auront besoin de plus d’information, comme déterminer qui est dans l’immeuble, où et quand, pour assurer la sécurité de leur personnel. Beaucoup de discussions ont été tenues concernant l’équilibre entre le droit à la vie privée et la nécessité de préserver la sécurité et la santé des gens. Ces discussions sont pertinentes. Je pense, ou plutôt je sais, qu’il est possible d’utiliser la technologie pour protéger la santé des gens sans faire de compromis sur leur vie privée. Cependant, toute organisation cherchant à surveiller l’accès et le comportement de son personnel, soit par la recherche de contacts ou l’envoi d’avis d’exposition, doit tenir compte de la protection de la vie privée pendant le développement de ces technologies.

Q : Pouvez-vous parler du programme Les données au service du bien commun de TELUS?

PS : Le programme Les données au service du bien commun de TELUS illustre comment l’utilisation des technologies de protection des renseignements personnels peuvent résoudre des problèmes sanitaires. Pendant plusieurs années, nous avons investi dans l’élaboration d’une plateforme d’analyse des données sur la protection de la vie privée permettant d’examiner les données mobiles dépersonnalisées. Dès que nous avons compris ce qui se passait au Canada en mars dernier, nous savions que nous avions l’obligation morale de mettre ces données à la disposition du gouvernement, des autorités sanitaires et des chercheurs universitaires pour appuyer leurs efforts visant à aplanir la courbe et à sauver des vies. Nous avons insisté sur le fait d’être transparents, directs et responsables. De plus, nous avons élaboré des principes clairs sur ce que nous ferions et ne ferions pas et les avons communiqués aux Canadiens sur notre site web. Nous avons consulté les organismes de réglementation en matière de protection de la vie privée pour obtenir leurs commentaires et suggestions. Lorsque nous avons lancé le programme, nous étions convaincus que nous avions mis sur pied une plateforme respectueuse de la vie privée qui utilise un processus de dépersonnalisation certifié par l’approche Privacy by Design. Je crois fermement qu’il est possible de favoriser l’innovation tout en protégeant la vie privée des gens. Protéger votre vie privée ne signifie pas refuser tout d’emblée. Il est possible de dire oui tout en protégeant vos renseignements personnels. Je suis fière d’affirmer que TELUS a remporté le prix d’innovation en matière de protection de la vie privée de l’International Association of Privacy Professionals pour le programme Les données au service du bien commun.

Q : Que recommandez-vous aux Canadiens qui se préoccupent de la protection de leur vie privée en 2021?

PS : Pour les personnes qui retourneront éventuellement au travail, la santé sera primordiale. Des mesures seront inévitablement mises en place sur les lieux de travail pour protéger la santé de tous. Informez votre employeur que la protection de votre vie privée est au centre de vos préoccupations. Posez des questions sur les données collectées, les personnes qui peuvent y accéder et la durée de conservation des données. Concernant les outils que vous utilisez, choisissez judicieusement les organisations avec lesquelles vous travaillez. Assurez-vous qu’elles ont une réputation à préserver et investissez intentionnellement dans la protection de vos renseignements personnels.

Les cyberattaques ne feront que s’intensifier. Comme nous passons une grande partie de nos journées sur le web, il est inévitable que nous soyons distraits de temps à autre. Soyez vigilants. On constate une hausse vertigineuse des tentatives d’hameçonnage. Vous ne pouvez plus vous fier au fait qu’un message contient des fautes d’orthographe pour déterminer qu’il s’agit d’une tentative d’hameçonnage plutôt que d’un courriel sûr. Les personnes malveillantes élaborent des tentatives d’hameçonnage fortes, efficaces et personnalisées. La règle générale s’applique toujours. Si vous avez l’impression que quelque chose cloche, arrêtez ce que vous faites. N’allez pas de l’avant sur le site web avant d’avoir tout vérifié.

Q : Avez-vous d’autres observations?

PS : Il est important d’apaiser notre peur de la technologie. Il est possible de profiter des avantages liés à l’utilisation des données sans nuire à la protection de la vie privée. En tant que Canadiens, nous devons rester vigilants et exiger que les organisations qui ont le privilège d’interagir avec nous protègent nos données personnelles et fassent preuve de transparence. La protection de notre vie privée est importante pour notre sécurité. Elle a une incidence sur notre estime de soi et constitue le fondement même de notre démocratie.

Mots-clés:
Paramètres de confidentialité et autorisations
Vol d’identité
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