Bobbie Racette, fondatrice et cheffe de la direction de Virtual Gurus. PHOTOGRAPHE : Liam Mackenzie.

Réconciliation

Pour les entrepreneurs, l’investissement à vocation sociale est bien plus qu’une source de financement

24 juill. 2021

Les fonds comme Raven Capital et le Fonds pollinisateur de TELUS pour un monde meilleur misent sur le financement à risque pour encourager la participation économique des entrepreneurs autochtones commeBobbie Racette (Dessus), fondatrice et cheffe de la direction de Virtual Gurus. PHOTO DE LIAM MACKENZIE

Bobbie Racette savait qu’elle perdrait bientôt son emploi. En 2016, l’industrie gazière et pétrolière, encline au cycle expansion-récession, était en plein ralentissement.

Bobbie, qui était contremaître dans le secteur de l’énergie à Calgary, craignait pour son poste.

Au cas où le pire arriverait, elle a donc décidé de créer une page web pour annoncer ses services d’adjointe administrative virtuelle, et a commencé à accepter des clients. Ses journées étaient épuisantes :

« Je travaillais 12 heures par jour comme contremaître. Ensuite, je retournais au camp, je mangeais, puis je travaillais pendant quatre à six heures dans ma chambre. Après quelques heures de sommeil, je recommençais. »

Mais quand l’inévitable s’est produit, Bobbie était prête à se lancer à temps plein dans sa nouvelle carrière. Mieux encore : elle s’est aperçue que son idée avait du potentiel.

C’est ainsi que Bobbie a fondé Virtual Gurus, le plus vaste réseau nord-américain d’adjoints administratifs virtuels à s’être donné pour mandat d’aider les groupes marginalisés. L’entreprise a une mission : préconiser la diversité et l’inclusion. Concrètement, elle vise à ce que son effectif contractuel soit composé à 95 % de femmes, à 65 % de personnes noires, autochtones ou racisées, et à 45 % de personnes issues de la communauté LGBTQ2+. En tant que femme autochtone et membre de ladite communauté, l’entrepreneure tient beaucoup à cette mission.

Woman standing on a stage with the words "Welcome to Startup Calgary launch party", giving a speech to a crowd that's behind the camera.

Bobbie Racette anime la soirée de lancement organisée par Startup Calgary et Calgary Economic Development en 2021. PHOTO ENVOYÉE

Mais passer de l’idéation à la croissance n’a pas été chose facile : au début, Bobbie a eu du mal à trouver des investisseurs qui adhéraient à sa vision et à sa proposition de valeur.

Après avoir essuyé quelque 170 refus en quatre ans, elle a décidé de changer d’approche : au lieu de chercher du financement dans le secteur de la haute technologie, elle s’est tournée vers des investisseurs à vocation sociale qui comprenaient son entreprise et sa raison d’être.

Un jour, elle a composé le numéro de Raven Capital, le premier fonds de capital de risque appartenant à et dirigé par des Autochtones, qui a clôturé une campagne de financement de 25 millions de dollars en mars 2021. Le fonds est devenu l’investisseur chef de file de Virtual Gurus en injectant 750 000 $ en capital d’amorçage (2020), puis 700 000 $ dans le cadre d’un tour de financement de 1,7 million de dollars (2021).

Raven Capital profite du soutien d’investisseurs qui partagent ses valeurs, comme le Fonds pollinisateur de TELUS pour un monde meilleur, un fonds de 100 millions de dollars consacré aux entreprises à vocation sociale qui vise notamment à bâtir des communautés inclusives dont chaque membre peut réaliser son plein potentiel.

Virtual Gurus est actuellement en période de financement en série A. Or, certains des investisseurs qui avaient décliné la proposition de Bobbie ont repris contact avec elle maintenant que les revenus de l’entreprise ont triplé.

« J’avais besoin de fonds pour arriver à ce stade, résume-t-elle. Si Raven Capital ne s’était pas impliqué comme investisseur, je serais probablement encore en quête de financement. »

L’expérience de Bobbie montre qu’il est important de trouver des investisseurs avec qui on a des valeurs communes, et que de tels partenariats ont un effet multiplicateur. Les fonds comme Raven Capital et le Fonds pollinisateur de TELUS pour un monde meilleur misent sur le financement à risque pour encourager la participation économique des entrepreneurs autochtones. Avec l’appui d’investisseurs qui partagent ses valeurs, Bobbie peut faire croître son entreprise et créer des emplois pour les personnes marginalisées.

Bobbie Racette, fondatrice et cheffe de la direction de Virtual Gurus. VISUAL HUES PHOTOGRAPHY
Le financement de Virtual Gurus a attiré l’attention. À preuve, Racette est lauréate du Report on Business Changemaker Award 2021 du Globe and Mail. PHOTO DE LIAM MACKENZIE

L’investissement à vocation sociale est en hausse. Selon le Global Impact Investing Network, à l’échelle mondiale, la valeur des actifs d’investissement à vocation sociale gérés s’élevait à 715 milliards de dollars en 2020. À l’heure où le Canada, entre autres pays, adhère au Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, des problèmes d’envergure comme la pauvreté et les changements climatiques exigent une approche englobante, notamment chez les sociétés investisseuses.

Un investissement représente bien plus qu’un montant d’argent. Au-delà du financement, trouver un investisseur à vocation sociale peut être formateur, souligne Bobbie.

Pour cette femme autochtone qui a eu du mal à faire financer son projet, l’investissement à vocation sociale tombait à point. Avec Raven Capital, Bobbie a pu tisser des liens basés sur une confiance et un respect mutuels, et sur une compréhension profonde de la valeur de son entreprise.

« J’ai participé à des cercles de prière avec eux, raconte-t-elle. J’en ai retenu que je dois garder mes remèdes près de moi. » Ses remèdes sont sur son bureau : une photo de son chien, mort récemment, du foin d’odeur, un nécessaire de purification par la fumée (smudging) et quelques bougies faites à la main. Elle ajoute : « Ils m’ont appris à compter sur mes remèdes pour faire croître Virtual Gurus et à pleinement les intégrer à mes pratiques commerciales. »

Les retombées de l’investissement à vocation sociale vont bien au-delà des entreprises en quête de financement. En effet, d’autres entrepreneurs dont la réalité est comparable à celle de Bobbie voient Virtual Gurus croître et prospérer, et peuvent donc s’en inspirer. La chef d’entreprise constate d’ailleurs un effet volant dans l’écosystème :

« Il y a de plus en plus d’investisseurs autochtones. Partout au Canada, les accélérateurs d’entreprises essaient de quantifier l’influence des entrepreneurs autochtones et de la diversité. »

Le financement de Virtual Gurus a attiré l’attention. À preuve, Bobbie est lauréate du Report on Business Changemaker Award 2021 du Globe and Mail. Aujourd’hui, elle profite de sa visibilité pour aider ses pairs. Elle offre actuellement du mentorat à deux femmes autochtones ainsi qu’à d’autres entrepreneurs au sein d’accélérateurs canadiens.

« Chaque entreprise devrait donner au suivant en encourageant les autres à en faire autant, affirme-t-elle. Je veux mettre fin à la croyance selon laquelle les personnes marginalisées ne peuvent pas faire ce genre de travail, et j’ai l’impression que je viens tout juste de commencer. »