Les photos nues hypertruquées à l’avant-scène

Si Taylor Swift peut en être victime, personne n’est à l’abri. À la fin de janvier, de fausses images et des vidéos pornographiques de Taylor Swift se sont répandues comme une traînée de poudre sur Internet.

Il a fallu 17 heures à X (anciennement Twitter) pour retirer les images fabriquées, et la plateforme a suspendu la recherche de tout contenu sur la chanteuse. Toutefois, le mal était fait. Les images hypertruquées ou « deepfakes » avaient déjà été vues des dizaines de millions de fois.

On parle désormais de l’effet Taylor (qui n’est pas réservé au football, semble-t-il). Le fait de cibler une personne d’une telle stature, avec son profil, jouissant d’une telle visibilité et d’une si grande influence montre à quel point l’utilisation abusive de l’intelligence artificielle (IA) est devenue répandue et menaçante.

Le phénomène du déshabillage

Comment ces images trompeuses de la chanteuse ont-elles abouti sur Internet? Quelqu’un a téléversé des photos ou des vidéos de Taylor Swift sur des applications de « déshabillage » basées sur l’IA, puis a généré ce qui ressemble à un portrait nu de la jeune femme.

Dans son rapport intitulé A Revealing Picture publié en décembre 2023, Graphika, une firme d’analyse des médias sociaux, a mis en lumière la popularité et l’accessibilité croissantes de ce type d’applications et de services basés sur l’IA. Depuis septembre 2023, 24 millions de visiteurs différents ont consulté les 34 sites web analysés par Graphika, une statistique terriblement préoccupante qui devrait susciter l’inquiétude dans le monde entier.

Selon Wired, 50 à 80 % des gens arrivent à trouver les sites web et les outils de « déshabillage » en faisant une simple recherche. Les résultats de recherche sur Google au Canada, en Allemagne, au Japon, au Brésil, en Afrique du Sud et en Australie affichent tous des sites capables de créer des images nues hypertruquées en quelques minutes.

Les célébrités ne sont pas les seules cibles

Si l’histoire de Taylor Swift a mis en évidence le caractère omniprésent et alarmant du phénomène des nus hypertruqués, n’importe qui peut en être la cible. Les plus touchées demeurent toutefois les femmes.

En décembre 2023, la CBC a publié un article sur un groupe de jeunes filles de Winnipeg dont les photos nues fabriquées par hypertrucage avaient été mises en ligne. Les filles allaient de la première année du secondaire au cégep. Les photos originales ont été recueillies sur les médias sociaux, comme elles sont accessibles au public, puis modifiées à l’aide de l’IA. Il s’agit de l’un des premiers cas au Canada où des élèves ont ciblé d’autres élèves en produisant de fausses photos de nu.

Il est essentiel que les jeunes et le grand public comprennent que la création d’images hypertruquées est une forme extrême de cyberintimidation qui peut avoir une incidence négative durable sur le bien-être et la réputation d’une personne, même après que le contenu a été reconnu comme ayant été créé artificiellement.

Lutter contre les images hypertruquées

Compte tenu de la facilité d’accès aux sites et aux services de création d’images hypertruquées, comment pouvez-vous limiter les risques pour vous et votre famille?

• Sachez reconnaître les sites : bon nombre de leurs fournisseurs utilisent les médias sociaux pour faire de la publicité et polluposter ou inonder les sections de commentaires avec des liens vers leurs sites. Faites preuve de vigilance. En général, les sites et services de « déshabillage » contiennent le mot « deepfake » dans leur nom.
• Verrouillez vos profils et limitez ce que vous partagez : de nombreuses personnes créent des nus hypertruqués à partir d’une photo qu’elles ont pu facilement se procurer en ligne. Gardez vos profils de médias sociaux privés et si vous partagez des photos, ne le faites qu’avec des personnes de confiance. Ne téléchargez que des images et des vidéos de faible résolution ou limitez votre contenu aux choses qui vous entourent (p. ex. la nature, l’architecture, vos animaux domestiques). Il est important de noter qu’une grande partie des contenus intimes non consensuels et hypertruqués sont créés par des personnes connues de leurs victimes (pensons notamment à la pornodivulgation ou « revenge porn »).
• Revenez à l’essentiel : on ne le répétera jamais assez, une bonne sécurité commence par des mots de passe forts et uniques. Il s’agit d’une couche de protection élémentaire, mais vitale. Ne tenez pas vos mots de passe pour acquis. De plus, optez pour l’authentification multifactorielle chaque fois que vous en avez la possibilité.
• Parlez ouvertement de l’IA et de l’éthique : l’IA est relativement nouvelle et évolue constamment. Continuez à en parler, en utilisant des exemples concrets (vos enfants savent sans doute ce qui est arrivé à Taylor Swift). Discutez des risques et des avantages, afin que les enfants se sentent à l’aise d’explorer et d’expérimenter l’IA, mais qu’ils sachent aussi comment l’utiliser de manière sûre et responsable.

Lorsqu’elle est utilisée à bon escient, l’IA est un outil remarquable qui permet de repousser les limites des idées et de la créativité. Malheureusement, elle a aussi ses revers, comme en témoigne l’explosion des applications de déshabillage et des nus hypertruqués. Bien que ce phénomène semble échapper à notre contrôle, une hygiène numérique de base peut vous aider à protéger votre image d’une utilisation malveillante. Personne n’est à l’abri. Espérons que l’effet Taylor aidera davantage d’enfants à prendre la pleine mesure de l’importance de la protection de la vie privée dans notre monde numérique et de l’éthique de l’IA.

Pour en apprendre davantage sur l’IA avec les jeunes de votre entourage, participez à l’atelier en ligne TELUS Averti sur l’IA responsable et testez vos connaissances à l’aide de ce jeu-questionnaire.