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Se souvenir de la vérité sur notre passé et travailler ensemble à la réconciliation

29 déc. 2021

Je m’appelle Luc Lainé, et je suis membre de la nation huronne-wendat. Je suis né et je vis toujours à Wendake, près de Québec. Ces terres, ceux qui les habitent et ceux qui nous ont précédés ont façonné la personne que je suis aujourd’hui. 

Petit fils du défunt grand chef Émile Picard, j’ai été élu Chef délégué du Conseil de la nation huronne-wendat en 1998. Je travaille depuis à la réconciliation ainsi qu’à la reconnaissance territoriale et de nos droits issus des traités en favorisant une bonne compréhension de notre histoire collective et en tissant des liens entre Autochtones et allochtones.

Ce travail a toujours été important, mais jamais n’a-t-il été aussi essentiel.

À ce sujet, je dois reconnaître la découverte récente de milliers de tombes anonymes sur les sites d’anciens pensionnats partout au pays que certains d’entres nous appellent l’Île de la Tortue. Il est aussi important de se souvenir de Joyce Echaquan et des préjugés qu’elle a subis et qui ont mené à son décès. 

Ces événements suscitent un sentiment de chagrin et d’horreur. Mais pour les Autochtones, ils rouvrent aussi d’anciennes blessures et exposent nos douloureuses cicatrices. Nous ne pouvons plus ignorer la vérité concernant les sombres chapitres de notre passé colonial. Nous devons réfléchir sérieusement à notre histoire collective et aux conséquences néfastes du colonialisme. 

Les gouvernements ont créé il y a longtemps des politiques et des lois pour déposséder les peuples autochtones de leurs droits collectifs et de leurs terres afin de permettre aux premiers colons d’en prendre possession. Ces politiques coloniales ont rendu illégale toute pratique du mode de vie traditionnel des peuples autochtones avec un objectif d’assimilation agressive. Vers la fin du 19e siècle, nous sommes passés du statut de fidèles partenaires de la Couronne à des sujets infantilisés.

Même si les pensionnats au Québec ont ouvert leurs portes plus tardivement que dans le reste du pays (de 1937 à 1991), ils furent bel et bien créés par le gouvernement fédéral dans un effort d’assimilation forcée. Les enfants étaient arrachés à leur famille et placés dans ces écoles sous l’égide de l’État et des communautés religieuses. Au moins deux générations d’anciens élèves des pensionnats du Québec vivent encore aujourd’hui et doivent vivre avec les séquelles de ce traumatisme. Les répercussions sont intergénérationnelles et se manifestent encore sous forme de discriminations et de préjugés. 

Je n’ai jamais fréquenté un pensionnat autochtone. Je suis allé à l’école de ma réserve jusqu’à 11 ans, puis j’ai fait la transition vers une école publique. C’est à ce moment qu’il est devenu très clair pour moi que nous étions considérés comme « différents » en raison de notre statut d’Autochtones. Cette différence était profondément ancrée en nous, jusque dans nos traditions et nos légendes. Pour la première fois, je pouvais nous voir dans le regard de l’autre. Nous étions stigmatisés, encouragés à cacher notre identité.

La réconciliation, c’est l’affaire de tous

Je suis consultant depuis plus de 20 ans. Je suis encouragé de voir les dirigeants et dirigeantes d’entreprise prendre des engagements significatifs en matière de vérité et de réconciliation. J’ai constaté que l’établissement de bonnes relations entre les personnes autochtones et allochtones est devenu une priorité de plus en plus importante dans de nombreuses industries.

TELUS a entrepris un parcours pluriannuel visant à intégrer la vérité et la réconciliation avec les peuples autochtones dans toutes ses sphères d’activités.

J’ai eu l’occasion d’influencer et de conseiller les dirigeants de l’entreprise et de travailler en partenariat avec eux. J’ai été témoin de leurs actions en 2021 : ils ont approfondi la discussion avec les dirigeants, les aînés et les collectivités autochtones dans les régions que l’entreprise dessert. Guidée par les voix autochtones et les cadres dirigés par les Autochtones pour la vérité et la réconciliation (comme les 231 appels à la justice de Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, et les 94 appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation), cette mobilisation éclaire l’élaboration et la mise en œuvre du premier plan d’action pour la réconciliation avec les peuples autochtones de TELUS. 

Les Autochtones ont une résilience extraordinaire et une grande sagesse. Pendant des siècles, notre humour nous a permis de nous exprimer. Notre rire a survécu. Notre force nous a permis de mobiliser les gouvernements et de faire reconnaître nos droits et nos titres au Canada et à l’échelle internationale. Les peuples autochtones sont à l’avant-garde du mouvement de vérité et de réconciliation depuis des générations. Cependant, je suis convaincu que cette démarche commence par chacun de nous. C’est une responsabilité collective composée d’actions individuelles qui permettra de revenir aux racines de notre relation respectueuse.

Lorsque j’anime des séminaires et des ateliers, je suis étonné de constater à quel point autant les Autochtones que les allochtones méconnaissent la complexité de notre histoire. Néanmoins, tous les Québécois et les Québécoises sont touchés par les décisions prises par les premiers gouvernements. Ces décisions continuent d’orienter notre conditionnement et d’impacter nos relations avec les Autochtones. Faisons preuve d’ouverture, d’écoute, de réflexion et d’esprit critique pour contrer les idées préconçues. Favorisons l’inclusion au lieu de l’assimilation. Donnons aux jeunes des occasions d’apprendre et de travailler. Ensemble, influençons l’opinion publique et favorisons le consensus. 

Nous n’avons pas oublié la terre

Au cours des derniers siècles, notre identité nous a été en grande partie volée. Nous avons souffert en silence pendant des décennies, mais ces dernières années, le vent a commencé à tourner et il est porteur d’espoir.

Max Gros-Louis, Grand chef de la Première Nation de Wendake pendant 33 ans, a largement contribué à redéfinir l’identité autochtone au Québec. Dans les années 1960, il a participé à la redéfinition de notre identité en valorisant notre singularité et notre diversité. Il fait partie des premières figures de proue du processus de réconciliation que nous connaissons aujourd’hui, notamment parce qu’il s’est opposé au Livre blanc de 1969 du gouvernement fédéral, qui visait à réduire à l’anonymat l’identité des peuples autochtones au sein de la population canadienne. En portant notre culture et nos traditions avec conviction, Max Gros-Louis a fièrement représenté TOUS les peuples autochtones de la province. 

Grâce à lui ainsi qu’à d’autres leaders, les Autochtones célèbrent aujourd’hui leurs différences, leurs similitudes et leur résilience. Le combat pour leur survie et pour la reconnaissance de leurs terres au cours des derniers siècles les unit.

Les enjeux auxquels font face les peuples autochtones ne sont pas monolithiques; ils sont complexes et multidimensionnels. Je ne crois pas que je verrai de mon vivant se concrétiser ma vision de la vérité et de la réconciliation en ce qui a trait à la souveraineté et à l’autonomie des peuples autochtones par rapport à leurs terres, à leurs ressources et à leurs programmes. Il faudra certainement tout un siècle pour opérer le changement. Nous ne pouvons pas changer le passé, et nouer un lien de confiance prendra du temps. 

Une chose est toutefois certaine : notre histoire doit être racontée pour que nous puissions faire la paix avec elle dans le futur. Sans viser la perfection, nous devons travailler ensemble pour bâtir notre avenir et laisser aux prochaines générations un héritage qui repose sur la compassion, le respect et l’espoir. 

Luc Lainé est membre de la nation huronne-wendat. Diplômé de l’Université Laval en sociologie et en droit des affaires, il travaille activement à promouvoir la réconciliation et la cause autochtone depuis 30 ans. Il a été le premier francophone à coprésider l’Assemblée des Premières Nations et fut chef de cabinet du grand chef Max Gros-Louis. Durant son mandat en tant que Chef délégué du Conseil de la nation huronne-wendat, Luc Lainé a réformé le code électoral et de gouvernance qui s’inspire maintenant des traditions et de l’histoire de sa nation en accordant un rôle central à la famille.