Le maître sculpteur Carey Newman est l’auteur de la Couverture des témoins.

Connecter les Canadiens

L’expérience numérique de l’œuvre Couverture des témoins invite davantage de Canadiens à témoigner

28 oct. 2022

Dans le salon de la maison de Carey Newman, située sur l’île de Vancouver, repose un petit tabouret pliable. Il est fabriqué à partir de divers morceaux de bois assemblés, comme une chaise de réalisateur pliante. C’était un cadeau de Noël de ses parents.

C’est aussi l’objet qui a fait naîtrel’idée de la Couverture des témoins, l’œuvre d’art monumentale que M. Newman a créée pour rendre hommage aux survivants des pensionnats canadiens.

« Je voulais réaliser une œuvre qui puisse exposer la vérité sur les pensionnats à travers un art plus universel que, disons, la création d’un totem inspiré de mon père ou de l’expérience de ma famille, se remémore M. Newman, un maître sculpteur et artiste aux racines kwakwaka'wakw, salishs du littoral et allochtones. « Au début, je pensais récupérer une brique de chaque pensionnat, et l’idée s’est peu à peu transformée pour finalement collectionner différents objets offerts par les survivants et par toutes les collectivités qui ont été marquées par les pensionnats. »

M. Newman avait du mal à imaginer comment tout cela allait se passer jusqu’à ce que ses yeux se posent sur le tabouret sur lequel ses pieds reposaient. « J’ai vu ces petits morceaux de bois, tous enfilés ensemble, reliés par une tige de métal et j’ai pensé que je pourrais faire pareil, mais avec tous les articles des survivants. »

Avec le temps, l’idée s’est développée pour devenir la Couverture de témoin : une œuvre d’art à grande échelle, inspirée d’une courtepointe. Elle est composée de plusieurs panneaux« tissés » à partir de plus de 800 objets, dont une statue d’ange brisée, récupérée depuis les cendres des décombres d’un pensionnat de l’Alberta et une paire de patins de la Saskatchewan, qui symbolise la façon dont les valeurs européennes ont été imposées aux enfants autochtones alors que leurs propres traditions étaient brutalement réprimées.

Ce projet a amené M. Newman et son équipe à parcourir plus de 200 000 kilomètres pour rencontrer plus de 10 000 personnes en cours de route et à devenir les gardiens de milliers de reliques d’un héritage douloureux (et permanent). En tout, les pièces ont été collectées auprès de 77 communautés différentes, dont beaucoup ont été données par les survivants eux-mêmes.

La Couverture des témoins contient également des objets qui revêtent une importance particulière pour M. Newman, dont le père est un survivant d’un pensionnat autochtone.

« La branche d’arbre, parce que je savais que c’est ce que j’allais y contribuer », dit-il, en faisant référence au morceau qu’il a coupé d’un pommier du pensionnat que son père, Victor Newman, avait été forcé de fréquenter à Mission, en Colombie-Britannique. Il s’agit de l’un des rares souvenirs que le père de l’artiste a échangés avec ses enfants de cette période de sa vie, quand il a été surpris à boire du vin de communion et qu’il a pris le blâme pour que ses amis ne soient pas punis.

Deux tresses, offertes par sa sœur en guise de réappropriation de leur pratique culturelle consistant à se couper les cheveux en période de deuil, revêtent également une importance particulière, étant donné que de nombreux enfants ont vu leurs cheveux longs brusquement coupés contre leur gré.

« Ce sont des parties de la même histoire, car mon père nous a raconté qu’il s’était fait prendre à voler du vin, mais il nous a aussi parlé du jour où il s’est fait couper les cheveux, le premier jour d’école. »

La pratique culturelle autochtone consistant à se couper les cheveux en période de deuil est un signe de respect.

Voix et expériences autochtones

Depuis sa création en 2014, financée par une initiative commémorative lancée par la Commission de vérité et réconciliation, la Couverture des témoins a fait de nombreuses tournées. Elle a égalementété reproduite afin que davantage de personnes puissent en faire l’expérience en personne, en plus d’avoir fait l’objet d’un livre et d’un documentaire.

Maintenant, grâce à la contribution de 1 million de dollars de TELUS et de la Fondation TELUS pour un futur meilleur, ainsi que du don de 100 000 $ de la Fondation de la famille Entwistle, ce projet est également disponible sous forme d’expérience numérique, soit un mélange immersif d’images, de vidéos, de textes et d’entrevues avec des survivants qui raconte l’histoire d’une sélection d’objets de la Couverture des témoins originale. La plateforme couverturedestemoins.ca est désormais accessible au public à l’occasion de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

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Soutenu par TELUS, le projet numérique Couverture des témoins a été créé en partenariat avec le Musée canadien pour les droits de la personne (MCDP) de Winnipeg, qui est coresponsable de l’œuvre d’art originale avec M. Newman.

« Notre partenariat avec Carey Newman et le Musée canadien pour les droits de la personne visant à utiliser l’innovation et la technologie afin de promouvoir, de distribuer et d’étendre la portée des histoires contenues dans la Couverture des témoins est un exemple éloquent de la façon dont les entreprises peuvent jouer un rôle déterminant dans l’amplification des voix et des expériences des peuples autochtones, affirme Jill Schnarr, chef de l’innovation sociale et des communications à TELUS. C’est notre mission collective de veiller à ce que le projet numérique Couverture des témoins ait une impression durable et profonde sur chaque Canadien et qu’il serve à inciter les organisations à but lucratif à travailler dans des cadres de réconciliation menés par des Autochtones. »

Pour Lise Pinkos, directrice des programmes du MCDP, l’expérience numérique est un prolongement naturel de l’engagement du musée à faire découvrir au plus grand nombre de personnes possible les vérités transmises par les survivants des pensionnats.

« Cela nous permet vraiment de montrer l’effet de ces institutions, de briser certains mythes pour les Canadiens et de transmettre les points de vue des survivants, dit-elle. Pour moi, c’est la partie “vérité” de “Vérité et Réconciliation”, et il est primordial d’entendre ces voix pour faire face à la vérité. »

Chaque histoire de l’expérience numérique comporte un bouton d’échappement vers un « espace sûr », prévu pour toute personne qui pourrait trouver le contenu troublant.


Photo avec des membres de la direction de TELUS, des chefs de communautés autochtones et de l’artiste autochtone Carey Newman.

Écouter, apprendre et partager

Selon Mme Pinkos, il existe encore dans la société canadienne des « préjugés et des idées fausses » sur le système des pensionnats qui, comme elle le dit, « empêchent de construire une mémoire collective de notre histoire. »

Un des objets qui trouve un écho en elle est le bol à bouillie, soit un bol en plastique utilisé quotidiennement par les enfants contraints de fréquenter l’institut Mohawk, en Ontario, nommé d’après le gruau pâteux qu’ils mangeaient. C’était un système cruel où il n’était pas rare que les enfants soient constamment affamés et qu’on leur serve fréquemmentde la nourriture avariée.

« C’est peut-être parce que j’ai de jeunes enfants qui sont toujours en train de manger. Des enfants en pleine croissance ont besoin de se nourrir, explique Mme Pinkos. C’est aussi un exemple qui montre que le gouvernement et les institutions qui géraient ces écoles ne se souciaient pas de ces enfants. J’ai parlé à des survivants du profond traumatisme causé par la malnutrition ou la nourriture avariée. Aujourd’hui encore, il y a tellement de choses qu’ils ne peuvent pas manger. »

Cet objet représente également la douleur d’être privé de manger des plats traditionnels.

« L’une des choses les plus précieuses que je possède est une recette de ma défunte grand-mère, ajoute Mme Pinkos. Ce sont des éléments qui sont transmis pendant des générations, et couper ces liens était une façon vraiment délibérée d’essayer d’éliminer les peuples autochtones de la société canadienne. »

L’objectif fondamental de la Couverture des témoins, qu’elle soit matérielle ou numérique, consiste à encourager les spectateurs à témoigner des vérités qu’elle présente.

« Nous sommes issus d’une tradition orale. Nous racontons des histoires et nous prenons des engagements avec des mots, puis c’est avec l’art que nous les consignons, explique M. Newman. Lors de nos cérémonies, par contre, nous appelons des témoins et nous leur demandons de repenser à ce qu’ils ont entendu. »

Il indique qu’en tant que témoin, il faut écouter, apprendre et partager ses découvertes. La numérisation de cette œuvre d’art permet à un plus grand nombre de personnes d’être des témoins qui ont la possibilité de partager ce qu’elles ont appris grâce à un simple lien dans un texto ou une publication sur les médias sociaux.

« C’est devenu une expérience introspective, où les gens la partagent sur différentes plateformes et avec leurs réseaux », dit-il, en soulignant la façon dont l’expérience numérique amène, de façon aussi puissante que l’original, la découverte de soi, permettant aux spectateurs de s’arrêter sur chaque objet aussi longtemps qu’ils le souhaitent. (En fait, Mme Pinkos recommande aux spectateurs de découvrir l’œuvre par morceaux, peut-être même un seul objet à la fois.)

« L’histoire devient personnelle, dit M. Newman. Il y a tant d’objets que si vous y passez suffisamment de temps, vous finirez par voir quelque chose qui éveille en vous un souvenir. Ce n’est plus, alors, quelque chose que vous observez, mais quelque chose que vous ressentez. »

Puis il ajoute, « dès que naît une émotion, ça prend une tout autre importance. »

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