Mary Mark

Réconciliation

Les femmes innues de Pakua Shipu : au-devant des changements numériques

4 nov. 2020

(Dessus) La première Innue élue cheffe du conseil de bande de Pakua Shipu, Mary Mark, est fière du chemin parcouru par les femmes de sa communauté depuis l’arrivée d’Internet haute vitesse. Photo de Joshua McKinnon

« Ce n’est pas parce que nous sommes des femmes que nous ne pouvons pas construire des maisons, conduire des camions, et bâtir, nous aussi, le futur de notre communauté avec nos bras et nos idées. »

Cette phrase, c’est ce qui vient en tête de la directrice du conseil de bande, Mary Mark, lorsqu’elle se remémore le chemin parcouru par les femmes innues de Pakua Shipu, un village autochtone d’un peu plus de 200 âmes situé sur le vaste territoire sans route de la Basse-Côte-Nord. Celle qui devint en 2006 la première femme innue élue cheffe du conseil se souvient, qu’il y a à peine 10 ans, les femmes osaient rarement prendre la parole publiquement pour donner leur opinion. Il s’agit de l’héritage de plusieurs siècles de colonisation qui a contribué à la dévalorisation de leur rôle traditionnel et de leur contribution à la communauté. 

Aujourd’hui toutefois, les femmes jouent de nouveau un rôle de premier plan dans le développement économique de leur village, notamment avec leur art. Depuis l’arrivée d’Internet haute vitesse de TELUS en 2019, elles multiplient les occasions d’affaires et d’apprentissage.

Il y a environ une décennie, Pakua Shipu cherchait une façon de redonner la parole aux Innues et de stimuler l’entrepreneuriat. Cette place, elles l’ont prise naturellement avec l’artisanat. À bout de bras, elles ont rénové une vieille maison, qui est devenue une boutique, mais aussi le symbole de leur participation active à l’essor du village et de leur épanouissement. Aujourd’hui, une dizaine de femmes, de multiples générations, s’y rencontrent régulièrement pour discuter et créer. On peut trouver dans chacun de leurs plis et de leurs points, des siècles d’héritage. 

« Oui, nous fabriquons des mocassins, capteurs de rêve, bijoux et vêtements, que nous vendons ensuite », souligne fièrement Mary Mark.« Mais la maison des femmes et l’artisanat n’ont pas seulement une vocation économique. »

« C’est aussi une façon d’assurer la pérennité de notre culture. Ma mère était artisane, sa mère également, ainsi que la mère de cette dernière. C’est l’âme et l’histoire de la communauté que nous transmettons de génération en génération, et depuis l’an dernier, nous pouvons le faire à très haute vitesse, en abolissant les frontières », ajoute-t-elle.

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Les artisanes, comme Marie-France Lalo, transmettent l’âme et l’histoire de Pakua Shipu de génération en génération. On trouve dans chacun de leurs plis et de leurs points, des siècles d’héritage. Photo de Joshua McKinnon

Quand la culture se transmet à haute vitesse

Benoit Sioui, adjoint à la direction générale du ‎conseil des Innus de Pakua Shipu, estime que l’artisanat est devenu, au fil des ans, le fer de lance de la vitalité économique du village en lui assurant un revenu stable. Il caresse l’ambition d’ouvrir, d’ici 2023, l’auberge Shaputuan pour y accueillir les voyageurs, et ne peut dissocier de son projet la richesse des traditions innues et la valeur d’Internet haute vitesse. Son plan d’affaires prévoit que les femmes y joueront un rôle clé, puisqu’elles offriront aux visiteurs des cours de langue innue et des ateliers d’artisanat, comme le plissage des mocassins, une technique méticuleuse particulière à la région, où les femmes utilisent une aiguille pour donner au cuir de délicats reliefs.

« Avant l’arrivée de la haute vitesse et de la téléphonie cellulaire, c’était impensable pour nous d’avoir un site Web avec des animations et des vidéos, ou d’envoyer nos guides en expédition avec des touristes. Maintenant, tous les Québécois pourront, en ligne, voir les femmes en action fabriquer leur artisanat, réserver une chambre ou acheter des objets confectionnés à la main », souligne-t-il.

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Benoit Sioui caresse l’ambition d’ouvrir, d’ici 2023, l’auberge Shaputuan, et ne peut dissocier de son projet la richesse des traditions innues et la valeur d’Internet haute vitesse. Photo de Joshua McKinnon

Bien que la connectivité puisse sembler si accessible pour la vaste majorité des Québécois, Pakua Shipu devait, avant novembre 2019, se rabattre sur la bonne vieille ligne résidentielle ou sur les technologies par satellites, aux vitesses limitées, pour communiquer avec le monde extérieur. TELUS y a toutefois déployé son réseau l'an dernier, dans le cadre d’un ambitieux projet qui assure maintenant un service Internet haute vitesse et cellulaire aux communautés de la Basse-Côte-Nord. Pour desservir ce vaste territoire sans route de 400 kilomètres, les équipes de TELUS transportent l’équipement par bateau et par hélicoptère, puis se déplacent en véhicule tout-terrain afin de construire et mettre en service des sites difficiles d’accès. Grâce à une combinaison ingénieuse de technologies, dont le réseau 4G LTE de TELUS, maintes fois primé, 10 des 14 communautés de la région, dont Pakua Shipu, sont maintenant reliées au reste du monde, et les quatre autres le seront d’ici 2021.

Immortaliser l’histoire de Pakua Shipu et propulser l’apprentissage virtuel

Dans une communauté où le taux de chômage frôle les 30 pour cent, Internet haute vitesse est donc devenu un outil incontournable pour exporter la culture si unique de Pakua Shipu ailleurs au Québec et dans le monde.

« Nous devons aussi composer avec un coût de la vie particulièrement élevé ici étant donné la situation isolée de Pakua Shipu. Nos vivres sont livrés par bateau ou avion. Mon carton de deux litres de lait me coûte six dollars », s’exclame Benoit Sioui.

La nouvelle connectivité permettra également d’immortaliser la mémoire et les traditions orales des femmes innues, particulièrement celle des aînées. Quelques-unes parmi les plus âgées ont parcouru à pied et en canot les 250 kilomètres les séparant de leur terre ancestrale, leur Pakua Shipu, suite à leur déportation forcée vers Unamen Shipu de 1961. Elles ont été témoins de la multiplication des problèmes sociaux dans leur communauté et ont eu le courage de briser le silence face aux injustices et agressions du passé. Résilientes et fortes, elles se réapproprient aujourd’hui leur territoire, leurs traditions ainsi que leur place au sein de leur communauté. 

« Pakua Shipu est une communauté qui provient de l’oralité. Les femmes, ce sont les gardiennes de la culture; les mères, les premières éducatrices. Mais quand une de nos aînées nous quitte, c’est une partie de la bibliothèque qui est brûlée », explique Benoit Sioui. « Internet haute vitesse permettra de partager et perpétuer leurs récits et leur art pour les nombreuses générations à venir. »

Pour Mary Mark, le défi pour les femmes reste l’éducation. Auparavant, celles-ci devaient voyager et quitter Pakua Shipu pour poursuivre leur formation. Celle qui a plusieurs diplômes postsecondaires en poche, dont en éducation spécialisée, gestion financière et intervention en santé infantile, n’a pas toujours trouvé facile la vie en dehors de Pakua Shipu. 

« Notre chez nous nous manque. Nous nous sentons loin des nôtres, loin de notre nature. Bien qu’à 26 ans j’étais très mûre et que j’avais de la famille avec moi en ville, je me sentais parfois déracinée », dit-elle.

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Trois femmes de Pakua Shipu ont levé la main pour participer à un cours de conduite par visioconférence. La nouvelle connectivité offre une ouverture sur le monde grâce à laquelle les Innues pourront parfaire leur éducation et accroître leurs connaissances. Photo de Joshua McKinnon

La nouvelle connectivité offre une ouverture sur le monde grâce à laquelle les femmes pourront parfaire leur éducation et accroître leurs connaissances. Le conseil de bande planche sur des projets de formation à distance en gestion dans le but de préparer la relève. Conjointement avec la réserve d’Unamen Shipu (La Romaine), la communauté s’active à mettre sur pied un programme virtuel en machinerie lourde, qui débutera par des cours de conduite au moyen de visioconférences. 

La population canadienne mérite un accès Internet haute vitesse résilient et fiable pour que chaque personne soit connectée à ce qui importe le plus.

Trois Innues ont levé la main pour y participer. À raison de trois heures par semaine, elles suivront des cours théoriques à distance à la fin desquels elles pourront obtenir leur permis, pousser plus loin leur formation dans le domaine de la machinerie lourde, et éventuellement, participer à l'économie locale.

« Nos femmes, elles sont courageuses. Elles se lancent dans l’apprentissage de métiers traditionnellement réservés aux hommes, et se servent de leur passé pour préparer l’avenir de nos jeunes. La téléphonie cellulaire et Internet haute vitesse portent encore plus loin leurs ambitions. Ils nous permettent d’être connectés au reste du monde, les deux pieds toujours bien ancrés sur les rives sablonneuses et isolées de notre Pakua Shipu », souligne madame Mark.

Une version similaire a également été publiée en partenariat avec Châtelaine Québec.

Deux hommes debout dans un champ souriant et regardant une tablette.

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