Pourquoi nous ne prenons pas nos médicaments et ce qu’il en coûte à notre système de santé
Personnel · 5 oct. 2022
Les médicaments modernes ont transformé la manière dont les professionnels de la santé traitent les gens atteints de maladies chroniques. Les avancées dans le domaine pharmaceutique nous permettent de vivre mieux, plus longtemps.
Pourtant, près de la moitié des patients atteints d’une maladie chronique ne prennent pas leurs médicaments comme ils ont été prescrits.
En tant que médecin de famille, je constate que les gens doivent surmonter plusieurs obstacles pour prendre des médicaments sur ordonnance. Parfois, les médecins ne réussissent pas à bien expliquer les bienfaits d’un traitement. Parfois, les schémas posologiques sont compliqués ou les gens ne croient pas qu’un médicament fera une différence. Ce qui est encore pire, c’est qu’un ménage canadien sur quatre a du mal à payer pour les médicaments sur ordonnance (article en anglais), allant jusqu’à omettre des doses, couper les comprimés ou réduire ses dépenses sur des produits de première nécessité comme la nourriture ou le chauffage.
Les obstacles à la prise de médicaments sur ordonnance nous coûtent cher, individuellement et collectivement.
Prenons l’exemple d’une personne qui sort du bureau d’un médecin avec une ordonnance pour prévenir les AVC. Elle ajoute consciencieusement ce médicament à sa liste qui est toujours plus longue et plus coûteuse. L’effet du médicament n’est pas perceptible au quotidien et la personne a déjà coupé sur l’épicerie pour le payer. Vu sa situation financière, elle décide d’arrêter temporairement le médicament, au moins jusqu’à ce qu’elle ait les moyens de le payer. Les semaines deviennent des mois et, soudain, la personne se retrouve à l’urgence, sa vie bouleversée par un AVC que le médicament était censé prévenir.
Bref, le fait de ne pas prendre des médicaments comme ils ont été prescrits a d’énormes répercussions sur votre santé et sur celle de notre système. La sous-consommation évitable de médicaments est responsable d’environ 7 % des hospitalisations. Un service de meilleure qualité au moment de la prescription pourrait prévenir jusqu’à une hospitalisation sur six. Dans un système de santé déjà surchargé, ces consultations exercent une pression supplémentaire sur les médecins et les infirmières qui travaillent dans les cliniques, les salles d’urgence et les hôpitaux (article en anglais).
Dans l’ensemble, des centaines de Canadiens meurent prématurément chaque année parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer le prix élevé de leurs médicaments.
Il est temps de s’engager à éliminer les obstacles qui nuisent à la prise de médicaments sur ordonnance.
Voici ce que cet engagement implique de la part de nos dirigeants et décideurs :
Supprimer l’obstacle lié au prix des médicaments qui peuvent sauver des vies.
Le Canada est le seul pays doté d’un système de santé universel qui n’offre pas de régime d’assurance-médicaments. En 2019, le Conseil consultatif sur la mise en œuvre d’un régime national d’assurance-médicaments a recommandé que le Canada mette en place un « régime public d’assurance-médicaments universel à payeur unique ». Offrir un régime public d’assurance-médicaments, ce n’est pas seulement le bon choix pour les Canadiens et notre système de santé; c’est aussi l’option la plus économique pour un système de santé. Selon plusieurs études, le gouvernement et les Canadiens économiseraient ainsi des milliards de dollars (article en anglais), notamment grâce à la baisse des prix des médicaments et à la diminution du coût des soins de santé.
Miser sur les liens avec des professionnels de la santé favorisent la prise de médicaments sur ordonnance. Par exemple, les gens qui ont un médecin de famille déclarent être plus confiants à l’égard des soins qu’ils reçoivent et mieux adhérer à leurs traitements. Tous les Canadiens méritent d’avoir un médecin de famille ou un professionnel de première ligne de confiance qui leur sert de porte d'entrée dans le système de santé et les guide dans l’utilisation de leurs médicaments (article en anglais).
Transformer la technologie pour améliorer la qualité du service de prescription.
Au Canada, la plupart des ordonnances sont encore envoyées par télécopieur, pigeon voyageur des soins de santé. Le taux d’échec du télécopieur peut atteindre jusqu’à 20 %, ce qui est inacceptable lorsqu’il est question de communications vitales. Dans les cliniques de première ligne, la gestion des télécopies peut occuper jusqu’à 50 % de tout le temps alloué à l’administration, ce qui finit par restreindre le temps accordé aux patients. L’objectif est clair, soit de fournir aux professionnels de la santé, aux patients, à leurs familles et à leurs aidants un accès numérique partagé à un historique complet de leurs médicaments.
Les Canadiens peuvent aller à l’hôpital ou au bureau d’un médecin sans recevoir une facture salée pour les soins obtenus. Cependant, suivre leur traitement jusqu’au bout est plus compliqué ; parmi les obstacles, notons leur capacité à payer, leurs liens avec des professionnels de la santé et les disparités technologiques dans les soins de santé.
Dans un système de santé surchargé comme celui du Canada, il est grand temps que nos dirigeants s’engagent à opérer un changement durable. Autrement, il continuera de nous coûter très cher.
Le Dr Dominik Nowak est médecin de famille et Leader certifié en santé. À titre de conseiller médical principal chez TELUS, le Dr Nowak fait le lien entre les domaines de la santé, les collectivités et les leaders d’entreprises pour créer un système de santé plus bienveillant, attentif et minutieux. Il est aussi membre du corps enseignant de l’école de santé publique Dalla Lana et du département de médecine familiale et communautaire à l’Université de Toronto.
Cet article a été traduit et publié avec la permission de Postmedia Network Inc. sur Healthing.ca, le 16 septembre, 2022.